Damien SAEZ à « Ce soir ou jamais » sur France 3

Damien Saez, invité de « Ce soir ou jamais » du 9 mars, émission de Fréderic Taddei le soir sur France 3, était venu défendre l’affiche (interdite) de son album « J’ACCUSE ». A la fin de l’entretien il dit un texte qui, semble-t-il, venait d’être écrit. Son ton et son sens me conviennent très bien, et je voudrais vous les faire partager.
Voici le lien pour écouter sa chanson, cela ne laisse pas indifférent.

http://www.dailymotion.com/video/xcef56_saez-j-accuse-avec-paroles_music

Dolores, Clown au chevet d’enfants malades ou handicapés

 

Dolorès Boucher de l’association « Planète sourires » s’est produite à la Maison pour tous d’Anglet (64) dans le cadre du spectacle poétique proposé par « Le Club de Poètes de l’Adour » en hommage à Pierre Espil, son fondateur. La mission de son association est de divertir des enfants en souffrance dans les hôpitaux et les centres qui les accueillent.

 

PRESENCE

Je publie ce texte de mon amie
Dominique Paulhiac. Il m’a paru

intéressant de vous donner à lire
une autre poésie, une autre
expression,
une autre sensibilité.Dominique a consacré
sa vie à
l’éducation d’enfants autistes.
Elle a d’ailleurs publié un ouvrage

sur le sujet dont vous trouverez les
références en fin de texte.
 

 

Texte  pour laisser une trace…
sur un battement de cil
J’écris pour faire parler ce qui peut prendre corps …
en silence d’abord…
Je laisse parler mes points de suspension…
pour laisser une place, un espace entre deux pensées

Je souligne, par un signe, ce qui est important, ce qui se lit
entre les lettres, derrière les phrases
.
Sous l’apparence du
mot ou de l’image il y a l’essentiel : une respiration,
la mienne, la vôtre.

Alors l’écriture se compose comme un paysage
Comme une méditation….au dedans de soi même.
…Un regard simplement … posé près de chez moi, sur le bord
du chemin où je m’attarde un instant… en retenant l’automne.
Il parle silencieusement d’un églantier solitaire nu et fier qui attend
d’être touché par l’oiseau, pour lui offrir ses graines avant l’hiver.
L’oiseau partira en voyage, l’églantier revivra un printemps
dans un autre paysage,  sans renoncer à ses racines…

J’apprécie l’ambiance  recueillie de l’automne, quand les
feuilles tombées du tilleul, à côté de la maison se recroquevillent
«…comme un cœur se resserre autour du souvenir de ce qu’il
a perdu…». Quand les parfums d’humus, fertilisent la terre de toutes
ses nostalgies. En  un seul instant, et à tout moment,
patiemment, la vie s’applique à transformer nos paysages.

 

 

Alors  Le temps d’une nuit blanche…J’écris  pour  une PRESENCE…
Pour un moment, un mot. Pour un instant seulement, un geste.
J’ai pris un rendez-vous avec moi, rendez-vous avec nous, avec vous.
Avec toi.

J’ai souvent des  rendez-vous avec le doute, et, dans ces moments là,
Je me dépêche d’agir, de penser, pour éviter le vide,
Contourner l’inconnu, combler la peur.
J’observe alors que mon esprit s’agite, mon corps perd pieds.
Alors les mots servent à me cacher plutôt qu’à me dire, mon corps
s’absente.

Et, dans ses moments là, il s’oublie, reste sans voix.
Alors je voudrais être muette, faire silence, laisser une place.
Et, simplement, pour un instant, ouvrir les yeux, les oreilles et le cœur,
Pour un moment, pour un instant seulement… … être là.

Il y a des moments, où je voudrais être tortue, trimbaler
mon univers sur mes épaules.
Pouvoir m’y réfugier,
Comme dans une huître hermétique, rivée sur son rocher.
Mais, dans ses moments là, Mon abri est sans fenêtre, sans lumière.

Ma voix sans écho, raisonne en vain et je n’ai faim de rien.
Alors je voudrais être ailleurs, sans savoir vraiment où.
Peu importe le lieu, mais près d’un être cher,
Qui puisse m’entendre sans que j’aie à parler !
Ecouter mes silences, mes larmes ou mes pensées,
Sans qu’elles soient justifiées, ni même qu’elles se comprennent… …

Il y a des moments… où je doute d’exister…
Et quand je me questionne, personne ne me réponds.
Alors parfois je me regarde à la dérobée, dans les yeux des autres.
Je m’écoute à travers leurs paroles,
Et, je nous reconnais, dans nos histoires, nos gestes, nos mots.
C’est autant d’éclairages sur mes ombres endormies.
Dans ces moments là, c’est moi que je rencontre, par l’autre
qui se révèle.
Alors j’ai rendez-vous avec moi, avec toi avec nous .
Il y a des moments où l’autre me réveille en me parlant de lui.
Et je partage ses bonheurs, ses blessures et ses doutes.

Alors mon corps entend des parcelles de lui-même,
Et mes larmes se colorent d’un instant de lumière

Il y a des moments qui s’animent et renaissent
D’une présence silencieuse…. solidaire.

Alors j’accepte,


J’accepte de regarder la nuit, car j’y vois aussi ce qui luit
Tout ceci pour vous dire merci,
Car les barreaux du doute prennent des tons pastel.
Il y aura encore des nuits sans étoile, et des jours aussi sans soleil.

Mais je lutterai moins longtemps, moins souvent.

N’y a t-il pas un plus et un moins pour que la lumière soit ?
Un instant seulement où l’aube laissera monter
La légèreté de l’air, avec l’élan d’un nouveau matin 
Il y aura toujours un printemps,
Pour réveiller l’hiver,
Mais un hiver aussi pour recueillir, dans les nuits froides de la terre,
Dans la nuit la plus sombre, le cristal sait, au cœur de la matière
La semence de demain

Qu’il fait danser toutes les couleurs de la lumière
Par un simple rayon qui peut le traverser

Dans un instant,
Un instant seulement…
D’arc-en-ciel.

Si je pleure parfois, c’est aussi de bonheur…
Le bonheur d’entendre la plume crisser sur la page blanche
Et courir dans la joie vers les mots encore en silence à l’intérieur,

Au-dedans de moi-même.
Une partie de ce que nous retenons par peur,
C’est souvent le meilleur de nous – même :

Notre désir de vivre, d’aimer et de créer.
Après cette nuit blanche, j’écris face au soleil d’un matin d’émotions
Ses rayons me transpercent,
Je les laisse caresser mon âme d’une chaleur irradiante…
Blanches seront toutes les nuits qui pourront me faire écrire,
Et ainsi noircir les feuilles vierges de mon inspiration…
Pour une méditation,
Pour un instant seulement.
De solitude pleine.

…Une présence d’émerveillement…

C’est maintenant, le bon moment…
C’est aujourd’hui que j’écris  …  

Dominique Paulhiac

 

 

 

Pour parler d’un enfant, à « SOLSTICES » dans les années 90,
l’accompagnement de la différence dans ce service…
était encore, à cette époque, une invitation à prendre la parole.

« J’avais promis à Victor -l’enfant au regard du dedans,
« l’autiste », comme ils avaient dit là-bas, dans son hôpital à
Paris- de raconter son histoire, d’être sa mémoire.
Un récit d’ici en Lozère au Bleymard.

Victor nous entrainera dans ses nuits innommables.
Nous traverseront avec lui les miroirs…des origines.
Etranges impressions de corps à corps en exil de soi.
Comme si une part de nous-mêmes pouvait ignorer
l’autre restée dans l’ombre.

 

Dominique Paulhiac 


Ouvrage disponible

Editions « Champs social » 90 rue d’Arcole à NIMES,
à la Fnac et chez l’auteur 48190-Le Bleymard

Prix 14€

 

L’affiche rouge

Emouvant, historique, déchirant…Le groupe Manoukian, le 21 février 1944, périt sous les balles allemandes, au Mont Valérien.

 

Interprétée par Léo Ferré

Le 21 février 1944, les murs de Paris se couvrent de grandes affiches rouges. Elles font état de l'exécution au mont Valérien de 23 terroristes membres d'un groupe de FTP (francs-tireurs partisans).Par le biais de cette affiche, la propagande nazie daube sur l'origine étrangère de la plupart des malheureux (Arméniens et juifs d'Europe de l'Est pour la plupart).Il n'est pas sûr que cette argumentation ait eu l'effet attendu sur l'opinion française si l'on en croit le beau poème de Louis Aragon…


Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erevan

Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant  

La rose et le réséda

Louis Aragon dit son poème
– Ce poème, paru pendant l’Occupation dans le journal « le Mot d’ordre » a été inspiré par l’évolution des événements à partir de l’été 1941 : attentats contre l’occupant, exécutions sommaires…..
– Il fit l’objet, pendant la guerre de nombreuses réimpressions anonymes. Il doit sans doute son succès à la force des sentiments qu’il exprime et à sa forme de complainte populaire….
– Il se compose de 64 heptasyllabes

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l’échelle
Et lequel guettait en bas

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l’un chancelle
L’autre tombe qui mourra

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l’autre gèle
Lequel préfère les rats

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle
Passent de vie à trépas

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Répétant le nom de celle
Qu’aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Il coule il coule il se mêle
À la terre qu’il aima
Pour qu’à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

L’un court et l’autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera

Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L’alouette et l’hirondelle
La rose et le réséda

Louis ARAGON