Sans domicile fixe

Sans domicile fixe, sans amicalité,

Seul, égaré dans la nuit glacée de l’oubli,

Il arpente le quai, son sac à dos sali,

Délavé, chahuté, usé d’avoir trainé.

 

Ce soir il fait très froid, un vieux bout de carton

Et une couverture serviront à passer

La nuit de tous les maux et de tous les dangers.

Un recoin à l’abri des regards et des gnons.

 

Un litron dans le sac sera son seul repas.

La Lune toute ronde éclaire cette nuit

Qui sera sa dernière. Sur le coup de minuit,

Le tocsin de la vie, en lui, retentira.

 

On le retrouvera comme il s’était couché.

Engourdi dans le froid et figé par la mort.

Il en avait fini. Il partit sans remords,

De cette pauvre vie qui l’avait bien lâchée.

 

Et l’on s’étonnera et l’on se posera

Des questions à la con, des remarqu’s imbéciles.

Et la nuit et le froid offriront leur sébile

Au prochain SDF, dans l’oubli du trépas.

 

N’avons-nous pas un toit pour tous ces pauvres gens ?

N’est-ce pas un devoir que de les abriter ?

Couchons sur parchemin cette banalité,

Tout citoyen a droit à un toit, un auvent.

 

Je vous l’avais bien dit, les questions à la con

Ne m’ont pas échappées. Cinquant’ quatr’, l’abbé Pierre

Avait tout deviné. Cinquante ans de prières

Et ils meurent à nos portes, nous dans notre cocon.

 

Je n’ai pas les moyens ni même la réponse,

Mais malgré tout je crie, je vocifère, je lance,

Indigné et meurtri, à la bonne conscience

De ceux qui peuvent agir, un grand coup de semonce.

 

 

Jean-Charles Theillac